Il faut sauver le migrant anonyme

Article : Il faut sauver le migrant anonyme
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17 octobre 2016

Il faut sauver le migrant anonyme

Le migrant voyage sur un tandem, animé par l’énergie du courage et de l’espoir. Il faut du courage pour abandonner derrière soi tout ce que l’on a construit ou possédé dans l’espoir de reconstituer ce puzzle ailleurs. Des générations d’investissements, d’histoires, de cultures qui s’envolent au loin, pour d’autres terres. Le migrant voyage léger, son patrimoine tient dans une cantine, une bouteille d’eau à la main. De la Syrie à l’Afrique subsaharienne, le rituel reste le même. Surpris par la violence des événements, il n’emporte que ce qu’il peut. Comme un citoyen du monde, le migrant avance et ne s’intéresse que rarement aux quiproquos à son propos.

Né à Arlit, une cité minière d’Agadez aux portes du Sahara, j’en ai rencontré beaucoup, de nationalité diverses. Cette route est devenue un passage obligé pour une majorité d’immigrants africains. Ils arrivent épuisés, malades et très souvent rackettés. Agadez est l’un des derniers points où ils peuvent reprendre des forces et continuer le périple. C’est donc dans ces moments de stress que l’on peut voir dans leurs yeux des regards noyés d’interrogations. Personne, ou presque, ne se soucie de connaitre l’histoire que traîne ce voyageur derrière lui. Les passeurs n’y voient que des pigeons qu’il faut plumer jusqu’au dernier.

J’ai vu ce film de Spielberg dans lequel des militaires américains partent chercher un soldat dont les frères sont tous décédés. Eh bien, le migrant part chercher de l’espoir, car chez lui des soldats ont tout détruit. Il faut donc sauver ce réfugié qui ne rêve que d’un «nouveau chez lui ».

Pourtant, des plans existent pour aider le migrant, non ?

Effectivement, prenons le cas du conflit syrien. Suite à l’enlisement de ce dernier, un plan d’accueil des réfugiés a été élaboré par la Commission européenne avec l’Allemagne comme figure de proue. En 2015, l’Allemagne devait accueillir environ 6 réfugiés pour 40 000 habitants, la France près de 4,5 pour à peu près 28000 habitants. Mais cet élan de solidarité s’est très vite essoufflé face à la montée des partis nationalistes. Désormais, il faut considérer le migrant comme un envahisseur venu bouleverser la vie de millions d’européens.
La stratégie consiste alors à barricader les frontières et à continuer les guerres. C’est ainsi que Merkel a troqué son hospitalité envers les réfugiés contre la construction d’une base militaire au Niger. Quant aux États-Unis, pourtant principaux perturbateurs d’une partie de l’Orient, ils préfèrent commenter tout cela depuis le Bureau ovale.

J’ai vu à Agadez, en 2011, des ONG italiennes recensant les ghettos d’immigrants, comme on les appels, afin de prévenir les risques liés à la traversée du désert. Ces ONG fournissaient des soins et de la nourriture aux candidats à l’exil et dotaient même les ghettos de téléviseurs, de DVD, etc. À quoi cela a-t-il servi ? Probablement à décourager les uns, mais aussi à en encourager d’autres. Dans cette région, lorsque le désert vous emporte, on ne dit pas que vous êtes décédé, on dit que vous êtes « desséché ». Car très souvent, on y meurt suite à une déshydratation assez sévère. Je me souviens de ce groupe de migrants « desséchés » découvert grâce à la sonnerie d’alarme qu’émettait une montre au bras d’une des victimes, ou du moins, de ce qui en restait…

Que faire dans ces conditions ?

Je pense que pour sauver ce migrant il faut d’abord repenser notre modèle économique. Presque toutes les guerres et les crises sont la résultante de conflits d’intérêts. Le modèle économique actuel ne cessera jamais de produire des réfugiés puisqu’il favorise les guerres et réchauffe la terre.
La mer Méditerranée est devenue celle du naufragé, la tombe du migrant inconnu. Cette traversée est en même temps la fin et le début de quelque chose. La fin d’une histoire perdue à jamais dans les profondeurs abyssales et le début d’une autre, à jamais gravée au fond du cœur des survivants.

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Commentaires

Barat Pierrette
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Tu as tellement raison et j'en ai appris encore un peu plus par rapport à l'article que j'ai partagé de "Point Afrique" où ils parlent des nigeriens qui partent pour l'Algérie.
Bravo pour cet article que je vais partager afin que tout le monde sachent ce que vous vivez.