Pourquoi l’internet coûte si cher en Afrique ? Ce que je constate au Niger

Article : Pourquoi l’internet coûte si cher en Afrique ? Ce que je constate au Niger
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3 janvier 2017

Pourquoi l’internet coûte si cher en Afrique ? Ce que je constate au Niger

Avant de commencer tout bavardage vous devriez savoir ceci : à cause de l’instabilité d’internet, j’ai passé près de quatre journées à la rédaction et la mise en forme de cet article que vous lisez en ce moment. Télécharger une image d’illustration d’à peine 500 Ko dure une éternité, souvent. Côté finance, cela m’a coûté près de 1500 F CFA (à peu près 2.5 euros). Quand on connait le niveau de vie du pauvre nigérien, et bah ce n’est pas donné 😮 Je ne suis pas en train de jouer la carte de la victime, mais désormais pour chaque article que vous lirez, tâchez de penser aux investissements que cela implique 😉

Cherté d’internet au Niger. Crédit photo: Ousmane

L’accès à internet au Niger est trop cher. Cependant, sur le continent, le Niger est loin d’être l’unique concerné par ces prix élevés d’internet. En effet, beaucoup de pays de la sous-région en souffrent. Nous pourrions citer l’exemple du Tchad, du Mali, du Cameroun…
C’est dans ce contexte que nous tentons de mobiliser tous les blogueurs et activistes intéressés, de même que les ONG, les associations de consommateurs pour nous soutenir dans cette quête de transparence et de vérité qui manque au secteur des télécommunications face au mutisme des opérateurs mais aussi des agences de régulation gouvernementales. En attendant, la flambée des prix continue de plus belle quand bien même de nouveaux câbles sous-marins se sont arrimés au continent.

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Pourquoi le Niger ?

Parce que ce pays est tout simplement le plus pauvre de la planète. S’abonner à l’internet fixe équivalait, en 2014, à investir les deux tiers de son revenu pour un débit de 0.26 Mb/s, soit un internet très lent. Heureusement, dans la foulée c’est aussi développée la large bande mobile. Nécessitant moins d’infrastructures physiques pour se déployer, l’internet mobile a réussi à faire passer le Niger de 5 000 utilisateurs d’internet en 2000 à plus de 400 000 en 2016. (Sources: Internet world stats).

Cependant, cette embellie est restée relativement courte et nuancée car la baisse des prix n’a pas tenu ses promesses. Pour un dollar au Niger, vous avez droit à un forfait internet 3G d’un volume de 200 Mb en prépayé valable une semaine. La 3G ne couvre que 2% des connexions au Niger (source: GSMA). Ce qui veut dire que plus de 90% des internautes nigériens achètent une connexion internet de niveau 2G au prix de la 3G. Les fournisseurs d’accès proposent des services et des tarifications identiques selon que vous vous trouvez dans une zone couverte ou non.

En France par exemple, à partir de 20 euros (un peu plus de 13 000 F CFA), vous pouvez déjà trouver des formules d’abonnement proposant un accès mensuel illimité d’internet en 4G. En plus, ces abonnements sont aussi des forfaits « multi-play », c’est-à-dire qu’ils incluent aussi des appels, Sms, Mms, illimités. Au Niger avec 15000 F CFA (à peu près 23 euros), vous avez accès à un forfait internet prépayé de 7Go pour un mois en 2 ou 3G sans aucune formule « multi-play ». Généralement le forfait s’épuise au bout de quelques heures de navigation sur le web. Par contre si votre zone n’est pas couverte par la 3G, au bout d’un mois vous auriez probablement réussi à consommer à peine 10% de ce volume qu’il s’épuise.

La hausse des prix et le câble sous-marin

Il n’est un secret pour personne que l’Afrique manque cruellement d’infrastructures numériques. L’une de ces infrastructures, et non des moindres, est le câble sous-marin. Les câbles sous-marins représentaient 99% des trafics de données dans le monde en 2013.
atterrissement d’un câble sous-marin
Pour faire transiter des données, le câble est nettement plus performant qu’un satellite géostationnaire. Un câble sous-marin permet en effet d’économiser jusqu’à 0,24 seconde par rapport au satellite. Si 0.1 seconde pour un être humain ne représente pas grand-chose, un supercalculateur comme le Sunway TaihuLight est capable de réaliser 930 millions de milliards d’opérations dans ce laps de temps. Aujourd’hui la plupart des smartphones ont au moins un processeur cadencé à plus de 2 GHz (fréquence horloge), c’est-à-dire capables d’effectuer plus de 20 millions d’opérations en 0.1 seconde.

Les avantages qu’offrent les câbles sous-marins en termes de connectivité sont immenses. Cependant, pour l’Afrique si des avantages existent, ils sont tout sauf économiques.

Coût de l’internet et bande passante : un lien de cause à effets

En effet, le coût de la bande passante reste relativement élevé. Les capacités des câbles pour ce qui est des bandes passantes s’expriment en bits par seconde (bits/s). Si le câble sous-marin est une autoroute, alors la bande passante est tout simplement le nombre maximal de véhicules qui peuvent l’emprunter en une seconde. En général pour emprunter une autoroute on paye une taxe, de même vous devez payer pour louer une bande passante.

Le graphique suivant montre :

  • les principaux câbles sous-marins actifs sur le continent africain, comme par exemple, le WASC – (West Africa Submarine Cable) ou l’Orange Marine.
  • le nombre de points d’atterrissement de chacun, soit le nombre de connexions de chaque câble sur le contient. Le point d’atterrissement est comme une « prise » sur chaque câble permettant de connecter un pays au reste du monde.Sachez néanmoins qu’un pays peut se connecter (brancher) plusieurs fois sur un même câble, très souvent en divers endroits de son territoire.
  • leurs capacités (exprimées en térabits/s), c’est-à-dire le « volume » de données qu’est capable de transporter le câble.
  • l’année de mise en service du câble.

À partir de 2010, arrivent sur le contient des câbles avec de plus grandes capacité. Ceci s’explique par des besoins croissants en bande passante, conséquence du fulgurant développement de la téléphonie mobile. Aussi, en observant ce graphique, on remarque que les câbles les plus récents, naturellement plus performants, enregistrent moins de points d’atterrissement. La bande passante y est tout simplement plus chère. Paradoxalement, le coût de production des câbles a connu des baisses relativement importantes dans le monde.
Ce graphique illustre l’évolution de ce coût sur 20 ans en milliards de dollars américains. Sources: Telegeography .

Evolution coût de production des câbles sous-marins

Lançons l’enquête de l’internet trop coûteux !

En regardant tous ces chiffres, nous sommes bien en droit de nous demander pourquoi le coût de l’accès à internet ne baisse-t-il pas sur le continent ? Quand bien même certaines études prouvent que beaucoup de câbles atterrissant en Afrique sont même totalement amortis.

Mais qui sont ces consortiums, que font-ils et ou sont nos autorités ?
Pleins de questions auxquelles nous essaierons de répondre bientôt!

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Commentaires

Barat Pierrette
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Toujours aussi intéressant même si j'ai décroché au bout d'un moment.

Ousmane Mamoudou
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T'aurais dû t'accrocher jusqu'au bout! :)

Barat Pierrette
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Je te promets que j'y reviendrai!

Rijaniaina
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"Quand bien même certaines études prouvent que beaucoup de câbles atterrissant en Afrique sont même totalement amortis ..."
J'aimerais avoir des liens sur ces études!!

Car le directeur technique d'un opérateur chez nous m'a dit qu'ils travaillent à perte pour l'instant

Même le mobile money à Madagascar en tout cas, c'est du bénévolat pour l'instant selon lui

Ousmane Mamoudou
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Tu peux écouter cette émission!
https://www.rfi.fr/emission/20160627-le-prix-internet-afrique-tarifs-mega-debit
Je ne sais pas exactement qui l'a dit, mais tu le saura! :-)

Ousmane Mamoudou
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Tu dois aussi savoir que certains spécialistes estiment la durée d'amortissement du câble sous-marin entre 20 et 25 ans!
Je t'envoi un document en privé!

Rijaniaina
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Je ne savais pas que les cables sous-marins existaient il y a plus de 20 ans dans certains pays africains (à part Afrique du Nord et South africa).
Sachant que ça ne fait que 8 ans à Madagascar et il n'y en a pas encore en Guinée (ce sera à la fin de l'année)

Ousmane Mamoudou
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Le plus vieux que je connaisse date de 1999, le SeaMeWe, il a donc 19 ans. Il faut aussi prendre en compte les fluctuations du coût de certaines matières premières qui interviennent dans la composition du câble...Bref tout cela reste assez technique et flou vu qu'il n’y a pas suffisamment de documentations publiques qui l'illustrent...

Rilwane
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félicitation pour cet article très instructif. Mais apparemment la situation est en phase de s'améliorer, certain pays comme le gabon, le bénin, la côte d'ivoire propose déjà la fibre optique a domicile FTTH.

Ousmane Mamoudou
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C'est clair que c'est une très bonne nouvelle. On espère que les coûts seront acceptables et que la fibre passera partout.

terryjilian
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Super article, je me doutais qu'en Afrique le net était moins accessible qu'en Europe mais je ne me doutais pas à quel point ni pourquoi (je pensais plus à un manque d'électricité ou d'appareil)! Bon courage, je vous souhaite de pouvoir continuer longtemps vos articles très posés et très instructifs!

Ousmane Mamoudou
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Merci pour les encouragements!