Le Niger, vu par moi

Article : Le Niger, vu par moi
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22 mai 2016

Le Niger, vu par moi

Le vendredi, chaque semaine, l’Imam prononce le prêche hebdomadaire. Dans un pays classé au fond du précipice économique, on s’imagine déjà le topo : une foule surexcitée qui scande : « à bas la République ! ». Mais bon, au Niger nous sommes un peu loin de cette image quand même… 😮 .

À force de vivre dans une perpétuelle précarité, renforcée par des crises alimentaires récurrentes, telles d’éternelles cures d’amaigrissement; les esprits ont fini par se forger une autre vision du monde. Celle de la résignation. Celle de la fatalité divine. La population ne réagit quasiment plus, on aurait dit qu’elle était sous une sorte de sédatif « anti-émeute», comme si les politiques nous avaient dompté à la tolérance de leurs défaillances chroniques.

À cela, ajoutez un chômage largement au-delà du seuil tolérable. Ici, travailler signifie pour beaucoup réellement « gagner sa vie », comme à la loterie. Mettez-y un soupçon de maladies qui n’existent plus ailleurs mais qui sont ici chez elles. Saupoudrez avec deux ou trois pincées de millions d’analphabètes. Laissez tranquillement mijoter le tout entre plusieurs pronunciamientos, pendant que vous suivez RFI (Radio France Internationale) 😉 , et vous avez entre les mains un pays pauvre très endetté. Le mets favoris des institutions de Bretton Woods.

Ici, plus de la moitié de la population vie de la même manière que l’humanité vivait il y a de cela quelques siècles: sans eau courante ni électricité. Comparé à certaines puissances du monde, on ne peut que mesurer l’écart. Le fossé se creuse, pour ne pas dire qu’il nous plonge droit aux portes du moyen âge.

Mais, n’y a-t-il pas des élections ?

Personnellement, j’imagine mal comment une population à majorité analphabète puisse flairer le candidat parfait sur la base de quelques apparitions publiques ou radiodiffusées suivies aussitôt de promesses politiques largement discutables pour les esprits aguerris. Pour moi, le vote est un devoir que le peuple et les politiques doivent assumer, accepter et respecter ; il est une ligne de conduite qui détermine l’image de la République.

Mais…J’ai une fois assisté à l’inauguration d’un établissement de santé…l’ambiance était plutôt cool ! 😀

Effectivement! Ce que l’on remarque à chaque fois dans ce type d’évènement et pas seulement, c’est toute l’organisation, assez tape-à-l’œil selon moi, qui suit. Une mise en scène théâtrale sur fond de protocoles bourgeois orchestrée par certains médias. Les grosses voitures, les cameramen placés ici et là, attendent le moment opportun pour capturer quelques images destinées au journal télévisé. Les invités pour l’occasion, les élus qui font leur apparition, comme venus tout droit d’un casting Hollywoodien.
J’essaie toujours  de me poser la question : à combien se chiffrent toutes ces voitures, ces smokings, ces chaussures, ces boubous? Sûrement assez pour financer plusieurs projets basés sur le principe du micro crédit.
Dans le journal télévisé de l’évènement c’est bien évidemment les membres du gouvernement qui sont aux premières loges. Ils occupent tout l’écran et, par la même occasion, s’emparent du temps de parole. Quant aux ruraux, ils sont le plus souvent tenus à l’écart et doivent s’embusquer au loin pour apercevoir ces hommes qu’ils ont élus. Pour ces derniers, l’ascenseur social tourne à plein régime et téléporte, tout droit, au sommet de la pyramide de Maslow. Pourtant, majorité de ces hommes sont tout sauf de prodigieux chefs d’entreprise, ou de géniaux inventeurs. Certains font fortune grâce aux détournements des fonds publics ou de l’aide internationale qui, malheureusement, reste bloquée dans de bureaux climatisés et de grosses berlines. Les convictions politiques sont poreuses, les poches de l’État aussi.
Tandis que l’endettement du pays connait un niveau sans précédent, c’est au plus pauvre de payer l’addition de ce copieux banquet dont il n’en a vu que les déjections.

Moi je dis que vous ne pouvez pas à la fois lutter contre la pauvreté et claquer des fortunes pour des besoins extrêmement accessoires aux yeux de vos sympathisants. À quelques mètres de vous, le paludisme, la malnutrition, le manque d’eau potable, et j’en passe, font des victimes à la minute où vous prononcez votre discours.

Ces manquements ne concernent heureusem…non! malheureusement pas que le Niger, presque tout le Sahel en est victime et à ce rythme, cette génération laissera à ses

« enfants qui seront deux fois plus nombreux un capital inférieur à ce qu’elle aura elle-même reçu en héritage », Jacques Giri.

J’ai déjà reçu le mien Jacques…! 🙂 .

Mais bon ! De toute façon je crois que les choses peuvent changer, Arnold Joseph Toynbee nous a appris que :

« Toute civilisation est une réponse à un défi, accepter la dépendance permanente n’est pas une réponse mais une démission ».

Bonne digestion!

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