Boko Haram, vu du Niger

Article : Boko Haram, vu du Niger
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20 juin 2016

Boko Haram, vu du Niger

Il est des jours où l’on se pose certaines questions qui resteront probablement sans réponses jusqu’au jugement dernier, car souvent, il y a des choix que l’on ne peut pas comprendre. Qu’est-ce qui pousse des hommes à se placer en dehors de tout humanité ?
Boko Haram ou « l’éducation occidentale est un pêché » (traduction littérale en français) a déjà fait d’innombrables victimes. Fondé à Maiduguri (Nigéria) en 2002 par un prédicateur radical dans le but d’instaurer la charia (loi islamique), ce groupe est resté quelques temps à l’abri des projecteurs médiatiques et de la vigilance de la communauté internationale, tout en menant des attaques sporadiques.
Cependant, suite à différentes circonstances, dont la mort de son fondateur, cette organisation s’est métamorphosée pour devenir très vite une bête assoiffée de sang. En 2014, le Centre international d’études sur la radicalisation et la violence (ICSR) qualifie Boko Haram de « groupe le plus féroce du monde » et pour Bertrand Monnet AQMI, le MUJAO, ou Ansar Dine ne sont que des agneaux à côté de cette organisation.
D’après Human Rights Watch (HRW), de 2009 à 2015, Boko Haram a détruit 910 écoles (1 500 écoles de la région ont dû fermer), 611 enseignants ont été assassinés, 19 000 autres se sont enfuis, des centaines d’élèves ont été enlevés et près d’un millions d’enfants ont été privés d’enseignement. C’est seulement en mai 2014 que ce groupe a été désigné comme organisation terroriste par l’ONU (Organisation des Nations Unies) suite à l’intensification des violences. À la date du 14 avril 2015, Amnesty International (AI) estimait que 5 500 civils ont été tués par Boko Haram entre 2014 et début 2015. Même si cette organisation s’en prend souvent aux chrétiens, il faut savoir que 90% de ses victimes sont des musulmans qualifiés de « tièdes » selon ses propres termes.

Des partisans de Dieu ou des partisans de la terreur ?
Au Niger, dans un passé récent, on ignorait ce que le mot « terrorisme » signifiait. Ce pays a connu son tout premier attentat suicide en 2013, un double attentat revendiqué par le MUJAO, qui a ciblé une installation minière du groupe Areva et une caserne militaire dans la région d’Agadez. Je me souviens encore de ce jour, à Arlit les détonations n’avaient surpris personne car nous étions habitués aux secousses qu’engendrait le dynamitage des parements de roches uranifères. C’est sur les antennes de RFI que l’information avait été annoncée.
Aujourd’hui, ce pays se trouve au centre d’une fournaise où prolifère pléthore de mouvements terroristes et de trafiquants en tout genre. Limité à l’ouest par un Mali devenu une sorte de nid à djihadistes, au nord par la Libye, un pays en proie aux troubles insurrectionnels depuis la chute de Mouammar al-Kadhafi (avec désormais Syrte comme fief de l’État Islamique), à l’est par le Tchad, une nation qui lutte elle aussi contre le terrorisme. Le Niger doit aujourd’hui faire face à un ennemi venu du Nigéria, dans une guerre dont il n’a pas l’expérience, avec les moyens du bord et en confrontation directe

« Des histoires parallèles à vitesse différente» (Fernand Braudel), ce pays affiche des indicateurs critiques dans presque tous les secteurs du développement. Et j’ai peur…peur que la jeunesse frustrée et désœuvrée de mon pays et celle de toute cette partie du Sahel ne devienne une réserve de potentiels combattants à la solde des groupes terroristes.
« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes » (Barack Obama), nos dirigeants n’ont pas le droit de laisser la guerre contre Boko Haram enliser la paix et toutes nos valeurs séculaires dans un bourbier inextricable. Tant de forums et de sommets assimilables à des dîners de gala coûteux, pour des résultats mitigés, voire nuls. Le dénouement de ce conflit déterminera l’évolution de beaucoup de choses, aussi bien en Afrique qu’à l’autre bout de la méditerranée.

Sortez votre mappemonde et contemplez l’Afrique! Il y a tellement de conflits sur mon continent qu’il ressemble à un flingue.

Dans cet article j’ai choisi d’oublier sciemment les noms de certains chefs djihadistes, car pour moi ces hommes ne méritent aucunement d’occuper une place dans l’histoire de l’humanité. Il est difficile de négocier avec un cœur qui ne laisse passer aucune once d’humanisme. Tel un trou noir, si sombre et chaotique que rien ne peut s’en échapper, pas même la lumière.

Je sais aussi que les grands de ce monde ont leur part de responsabilité dans l’expansion que connait le terrorisme islamiste. En effet, les djihadistes justifient leurs actes comme une réponse apportée à la situation politique qui prévaut dans le Proche-Orient (avec le conflit israélo-palestinien) et à la situation en Irak suite à l’intervention américaine. Les islamistes considèrent aussi que l’occident et ses alliés sont des sociétés en décadence qu’il faut punir.
Aussi, l’expansion que connait le terrorisme est plus ou moins liée à la croissance des inégalités entre riches et pauvres dans le monde. Selon un rapport publié par l’ONG Oxfam en 2015, 48% des richesses produites sur Terre sont détenues par 1% de la population mondiale, laissant les 52% restant aux moins riches (19% de la population globale) qui représentent en réalité la classe moyenne occidentale. Le reste du monde, soit 80% de la population planétaire, doit aujourd’hui vivre sur les restes d’autres restes.
L’écart se creuse entre riches et pauvres, et les victimes, ce sont toujours les plus pauvres ; en 2014, 13 463 actes de terrorisme ont été signalés, soit une hausse de 35% par rapport à 2013 tandis que 32 727 personnes perdaient la vie, 80 % de plus qu’en 2013. L’année 2015 restera aussi dans le livre des records de l’histoire de l’immigration avec plus de 65 millions de réfugiés enregistrés.

Le terrorisme est quelque chose de terrible, c’est le culte du martyre kamikaze. Aujourd’hui, beaucoup de victimes, musulmanes ou pas, développent souvent un sentiment anti-américain. Mais je pense qu’il faut aussi regarder le peuple américain derrière des personnalités telles que Michael Moore. Au Niger, on encourage et on applaudi l’armée dans sa lutte quotidienne contre Boko Haram, mais paradoxalement, énormément de personnes (parmi lesquelles beaucoup de jeunes) continuent à croire que Ben Laden est un héros.

Il faut persévérer pour pouvoir changer les choses, et je crois au fond de moi que l’on peut détruire ces maux avec des mots.

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